Ananda Coomaraswamy

Biographie

Fils de Sir Mutu, un juriste hindou, membre du parlement, et d'une mère
anglaise, Lady Elizabeth Bibi, Ananda Kentish Coomaraswamy est né à Colombo
(Ceylan), le 22 août 1877. Son père décéda alors qu'il n'avait pas deux ans et
il passa son enfance avec sa mère en Angleterre. Il fit ses études au Wycliffe
College de Stonehouse (Gloucestershire) où il étudia non seulement le Latin,
le Grec et le Français mais aussi de nombreuses autres langues. Ce don des
langues l'accompagnera toute sa vie. A la fin de ses jours, il en lisait
couramment une douzaine, non compris celles qu'il possédait, comme le Chinois,
mais avait besoin de dictionnaire pour les traduire. Ce n'était cependant pas
un littéraire de formation mais un scientifique. C'est au Wycliffe College
qu'il développa son goût pour la botanique, la géologie et la minéralogie dont
il entreprit les études à l'Université de Londres. Ces matières allaient
former les sujets de ses premiers articles et furent l'occasion de son retour,
à l'âge de vingt-deux ans, à Ceylan en vue d'étudier les ressources minières
de l'île. Son travail dans ce domaine se révéla si fructueux qu'il obtint le
soutien financier du gouvernement et qu'à l'âge de vingt-cinq, il fut nommé
responsable des recherches minéralogiques. Une partie des publications de ses
découvertes servit à constituer la dissertation en géologie qui lui permit
d'obtenir son doctorat de sciences en 1905 à l'Université de Londres. On lui
doit également la découverte de deux minerais, la Serendibite and la
Thorianite. Coomaraswamy conserva toute sa vie un intérêt pour le monde
minéral mais aussi végétal. Ses missions scientifiques allaient de plus
l'amener à voyager à travers tout le pays et à prendre conscience d'une toute
autre réalité : à la fois de la profondeur des traditions locales et, par
comparaison, des effets désastreux de l'éducation occidentale et de
l'industrialisation sur la population. Il entreprit alors d'écrire des
articles sur les arts et métiers de Ceylan aussi bien que sur la menace que
représentait « la furie du prosélytisme » anglo-saxon pour la culture
orientale. Coomaraswamy vécut ensuite de nombreuses années à Calcutta où il y
devint un porte-parole des valeurs hindoues. Il constitua une collection
d'oeuvres d'art traditionnel, notamment hindou et bouddhiste, et s'intéressa,
au début, en amateur, puis, très vite, en tant que spécialiste et autorité, à
l'histoire de l'art. Il dirigea en 1911 la section artistique des United
Provinces Exhibits à Allahabad. On lui doit, entre autres, de nombreuses
études sur la peinture rajput et mogole ainsi qu'une Histoire de l'art indien
et indonésien qui fit date et auquel les étudiants se réfèrent encore
aujourd'hui. Il vécut les années qui précédèrent la première guerre mondiale
entre l'Inde et son habitation de Norman Chapel, en Angleterre. Au moment de
la guerre, refusant d'accepter que des hindous et des cingalais aient à se
battre pour défendre les intérêts de leur oppresseur colonial, il se déclara
objecteur de conscience et connut des problèmes juridiques avec le
gouvernement qui n'appréciait guère qu'il défende ainsi publiquement son point
de vue. En représailles, il vit sa maison de Norman Chapel confisquée et lui-
même menacé, s'il restait sur le sol anglais, de subir le sort des dissidents
de guerre. Dans le but de préserver de la destruction son énorme collection
d'oeuvres d'art, il l'offrit au gouvernement britannique afin que celui-ci
fonde en Inde un musée mais sa proposition fut rejetée, aussi accepta-t-il
l'offre que lui fit Denman W. Ross du Museum of Fine Arts de Boston de les y
transférer et d'y fonder une section d'art hindou, la première à avoir jamais
existé dans un musée américain. Il rejoignit alors l'équipe scientifique du
Musée dès 1917 et y demeura jusqu'à la fin de sa vie. A partir de ce moment-
là, il devint partie intégrante du monde des spécialistes officiels de l'art
oriental. Durant les années vingt, il publia de nombreuses études d'art qui
font encore référence aujourd'hui ; il aborda aussi bien les domaines de
l'architecture que de la sculpture et de la peinture ou de la musique et de la
danse. On connaît, en France, les articles qui composent La Danse de Shiva
mais il reste encore à découvrir ses principales études dont, notamment, la
traduction commentée qui forme The Mirror of Gesture, un traité sur le
symbolisme de la gestuelle de la danse hindoue, et ses recueils sur La
Sculpture de Bharut ou de Bodhgayâ demeurent aujourd'hui introuvables. Durant
ces mêmes années, sa vie fut compliquée par de multiples problèmes familiaux
ainsi que par la perte de sa fortune personnelle au moment du crash de 1929.
Dans cette période, il épousa aussi celle avec qui il allait ensuite vivre
jusqu'à la fin de ses jours, Doña Luisa. Au cours des années qui suivirent,
son oeuvre allait prendre un tournant décisif et prendre toute son importance
et sa portée sous l'influence de la découverte des écrits de René Guénon.
Coomaraswamy allait développer tout un exposé de la théorie traditionnelle de
l'art en s'appuyant sur sa connaissance directe des textes sacrés de
nombreuses traditions et de leurs principaux commentaires tout en s'efforçant
de donner une ouverture véritablement universelle à ses essais. Avec pour
résultat que ses travaux dépassèrent ainsi le domaine de l'art et de
l'iconographie pour s'étendre à celui de la philologie, de l'anthropologie, de
la métaphysique et des mythes. Sa production fut énorme et demeure fort loin
d'être réunie en volume, même en langue anglaise ; il rédigea des centaines
d'articles publiés sur des revues américaines, hindoues et européennes, tous
empreints de la conscience de la validité de la tradition, sous ses multiples
formes, et des principes métaphysiques qui la fondent. Sa notoriété en tant
qu'historien d'art mais aussi en tant que spécialiste de l'hindouisme et du
bouddhisme n'a fait que croître et n'a guère diminué depuis sa disparition,
que ce soit dans le monde anglo-saxon ou en Inde. On citera parmi ses
principaux ouvrages traduits: Hindouisme et Bouddhisme, réédité de façon
ininterrompue depuis sa parution voilà plus de soixante ans, Une nouvelle
approche des Vedas, La Transformation de la Nature en Art, Temps et Eternité,
Autorité spirituelle et pouvoir temporel dans la perspective indienne de
gouvernement, Suis-je le Gardien de mon frère ?, La pensée de Gautama, le
Bouddha, La Philosophie chrétienne et orientale de l'Art, ainsi que de
nombreux recueils d'articles tels que La Porte du Ciel, La Doctrine du
Sacrifice ou Aspects de l'Hindouisme.

Contributions de Ananda Coomaraswamy